Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

90 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

l’argent est infiniment rare à Paris, qu'il se vend fort cher, que la Caisse d’escompte fait un agiotage intolérable, qu'on ne réalise des billets qu’à trois ou quatre pour cent; ilest encore vrai que l'arrestation des nouveaux contrefacteurs de billets jette dans la défiance et l'inquiétude, On espère fatiguer Paris et réduire ses habitants au désespoir.

En vérité, on met l'opinion publique à de furieuses épreuves, et la lenteur de nos opérations n’est pas calculée sur l’'impétuosité des désirs, sur la mobilité des affections des Français; maïs nous ne sommes plus le peuple de l’année passée. On veut fortement, on veut persévéramment. Les détracteurs de l’Assemblée ne font que justifier l'impossibilité où elle est d'avancer, pour que chaque instant offre de nouveaux obstacles et de nouveaux retardements. Le jour du jugement de M. de Favras et de l’émeute du faubourg Saint-Antoine, soit hasard, soit combinaison, ily en eut une autre à Bicêtre. Une troupe assez nombreuse des habitants de cette triste demeure réclama les droits de l’homme et la liberté ; ils se retranchèrent dans une cave, et on fut obligé de promulguer la loi martiale contre eux. Ils ne cédèrent qu'après la dernière sommation. On est assez embarrassé pour rendre sans danger à la société cette multitude de gens détenus dans toutes les maisons de force.

Aujourd'hui, on va demander encore la dictature suprême. On va demander la responsabilité des officiers municipaux et des communautés pour les délits commis contre la sûreté personnelle et la propriété, l’augmentation des maréchaussées et l'envoi de troupes dans les pays où il règne quelque inquiétude. Le moment de faire la loi n’est pas encore arrivé : ce ne pourrait être qu'un décret provisoire. Avant que les juifs fussent devenus nos frères, j'avais proposé d'emprunter cette loi judaïque de la responsabilité des communautés. J'aurais voulu que la