Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

CONSTITUANTE (22 FÉVRIER 1700) 91

garde nationale fût établie partout, les maréchaussées supprimées, les troupes de ligne renvoyées aux frontières, l’armée de supplément appartenant à chaque canton; les vagabonds, mendiants, gens sans aveu, sans état connu, ou notés, désarmés:; les officiers de chaque commune autorisés à réclamer les secours des municipalités voisines; mais cette loi me paraît prématurée dans ce moment : il n’est peut-être pas temps de l’établir. Lorsque les municipalités ne sont pas encore organisées, lorsque dans bien des endroits elles seront composées d’hommes timides, peu instruits, peu habitués aux affaires, on les effrayera par le seul mot de responsabilité, ou on leur inspirera une activité trop inquiétante.

I1 me semble immoral et impolitique, au moment où l’on établit des corps conservateurs de la liberté et de la sûreté publique, de se livrer à des suppositions qu’on doit regarder comme chimériques : mais ceci est un vice de rédaction. Les ennemis du bien public voudraient bien rendre les fonctions publiques inaccessibles aux citoyens vertueux et paisibles, ils voudraient bien les en dégoûter. Les amis du bien public craignent que l'intrigue ne défère ces fonctions à des gens qui auront intérêt à les mal remplir ou à en abuser. Telle est la position de l’Assemblée, qu’il lui sera difficile de ne pas rendre un décret, et d’en rendre un sage et opportun.

Après ce préambule dont un censeur vous aurait préservé, je vous ferai part, ce soir ou demain matin, de la délibération, si cependant on parvient à en prendre une aujourd’hui. Je lis, en ce moment, une menace extravagante d’une armée de 1.500.000 hommes bordelais, gascons, languedociens, provençaux et bretons, dont la confédération a pour but de faire révoquer le civisme accordé aux juifs et de s’opposer à la liberté des nègres. Peut-être fallait-il donner aux juifs une éducation morale et civique, avant de s'associer cette nation, qui ne perdra,