Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

CONSTITUANTE (6 MARS 1790) 103

XLVIII. — À R. Lindet. Le 6 mars 1790.

Mon frère, Bordeaux, où l’aristocratie espérait trouver un appui, a fait une dénonciation foudroyante contre le procureur général Dudon et la chambre des vacations de son Parlement. Cette affaire nous occupa hier jusqu’à une heure du matin. Les défenseurs des mauvaises causes obtinrent que le fils de M. Dudon serait entendu. Ils s’en repentirent. Ii débuta avec l’effronterie d’un comédien renforcé. Sur quelques marques d'approbation qu'il reçut, il essaya de donner une correction à une partie de la salle, dont les murmures devinrent plus considérables. Le président l'avertit de se renfermer dans la défense de son père. I dit qu'il pourrait, s’ille voulait, justifier la phrase du réquisitoire qui avait occasionné la dénonciation : il vanta le courage et les triomphes de son père dans l'affaire des grains et dans l’affaire des alluvions. Il vanta l'enregistrement des décrets, et le serment civique prêté par son père et les autres magistrats ; il prétendit qu’on devait excuser son père, qui avait été effrayé par des menaces personnelles du fer et de la flamme.

Le procureur général et la chambre des vacations trouvèrent d’autres défenseurs : mais la principale défense consiste dans le trouble et le tumulte qui est l’arme ordinaire, mais toujours impuissante, du parti anti-populaire,. Une longue patience fait trouver un moment pour emporter la délibération.

Le premier président et le procureur général sont mandés à la barre pour rendre compte de leur conduite. Cependant le procureur général, vu son grand âge, est dispensé de se présenter, et il lui est ordonné d'envoyer ses motifs par écrit. Le président est autorisé à écrire une lettre de félicitations à la municipalité, à la milice nationale et aux citoyens de Bordeaux, sur leur zèle et leur attachement à la Constitution. (Papiers R. Lindet).