Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

44. CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

les égarerez pas dans le dédale des formes qui leur étaient inconnues. Désormais, le plaideur sera forcé de s’environner de sa bonne foi, et on vous arrache le masque que vous lui présentiez.

La nation veut un nouvel ordre judiciaire ; elle l’aura ; tous les magistrats intègres, tous les jurisconsultes les plus célèbres désirent et proposent une réforme : qui pourra l’empêcher? Quelques membres avides, accoutumés à vivre des abus, s’efforceront de tromper et de séduire le peuple : le peuple est éclairé sur ses intérêts, et il ne se méprendra point sur la cause de leurs murmures. C’est trop entreprendre de réformes à Ja fois, dirat-on; c’est multiplier et rallier les ennemis de la nouvelle Constitution. Cette nouvelle Constitution est désirée ; ceux qui sont chargés de la faire répondront des abus qu'ils laisseront subsister; ceux qu’ils n’auront pas réformés subsisteront longtemps; ceux qu’ils auront foudroyés ne renaîtront pas.

Les mécontents des diverses classes de la noblesse, du clergé, des gens de robe et de finance occasionneront des embarras; ils profiteront de la cherté des denrées et de la rareté de l'argent, mais l'expérience a appris aux Français à être patients, et, si le peuple perdait enfin patience, les malintentionnés seuls devraient trembler,

11 y a eu, ces jours derniers, une émeute à Versailles ; 3-000 Parisiens sont partis pour aller au secours des habitants. Divers avis me parviennent que, vers la même époque, il doit y avoir quelque insurrection dans votre contrée. Votre sagesse et votre vigilance en garantiront sûrement votre ville. Dans le courant de février, c’est-à-dire du 1° au 15, les départements, les districts et les municipalités seront organisés dans tout le royaume; il n'est pas étonnant qu’au moment d’une opération qui doit consolider la Révolution, les intéressés à la conservation des anciens abus fassent de nouvelles tentatives