Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

CONSTITUANTE (11 JANVIER 1700) 49

quelques cours de provinces où l'aristocratie s'est retranchée; il ne leur reste que de faibles ressources, ou plutôt ils n’en ont plus. Ce qui a paru chimérique se réalisera; je crains que l’effronterie affectée des partis de l'opposition ne luiattire quelques violents orages. Ii serait fâcheux que quelque fanatique menaçât les jours de M. de La Fayette : les Parisiens en rendraient responsables tout ce qui est suspect d’aristocratie. En comparant l'état actuel de Paris avec ce qu'il fut jadis, on peut assurer tout possible. Tous les Parisiens se regardent comme des héros, et dans le fait, il est impossible d'avoir une plus belle armée. On pourrait compter sur leur résolution. Si Paris est changé, par rapport à la valeur militaire et à l'exactitude de la discipline, vertus inconnues avant cette époque, il ne l’est pas moins par rapport au désintéressement. Paris sent bien ce qu’il doit souffrir de la révolution et il en est le plus ardent défenseur. Des vues justes et des sentiments courageux sont devenus l'apanage d’une ville qu’on ne croyait devoir jamais sortir de la léthargie dans laquelle semblaient l'avoir plongée le luxe, les plaisirs, et l'habitude d’engloutir toutes les richesses du royaume.

On m'a assuré que M. l’évêque de Lisieux (1) est venu à Paris, qu’il y a fait un court séjour, et qu’ilest retourné dans son diocèse: je souhaite que sa présence arrête la circulation de quelques brochures incendiaires, et qu’elle inspire aux habitants de la ville épiscopale les sentiments patriotiques dont elle doit fournir le modèle, surtout lorsqu'elle éléve la prétention de s'élever en métropole d’un département.

Le décret sur la chambre des vacations de Rennes est une nouvelle victoire remportée sur l'aristocratie des magistrats (2).

(1) M. Ferron de la Ferronnays, évêque de Lisieux, devait refuser le serment, se réfugier au château du Pin, dit le Logis, près Moyaux, et, de là, exciter et encourager l'opposition du clergé réfractaire au serment

ordonné par le décret du 27 novembre 1789. (2) 11 janvier 1790.