Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

52 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

L’impudence de l'abbé Maury et de l'abbé d'Eymar (1) ensorcèle le clergé, qui aime mieux tout perdre par le fanatisme le plus absurde que de profiter des occasions de se concilier avec la nation. Le clergé et quelques nobles enragés espèrent encore tout culbuter. Je ne sais, si c'est par leurs intrigues, ou si c'est pour attendre de nouveaux matériaux qu'on diffère l’organisation du pouvoir judiciaire. On va s'occuper de l’armée, des finances; la suite de la division des départements a été interrompue par des motions intercalaires. On a perdu deux séances du matin, sans compter les précédentes, pour déclarer les officiers de Toulouse exempts d'inculpation; il est vrai qu’on ne leur accorda aucune satisfaction, et qu’on prononça le même jugement sur la garde nationale qui les a mis au cachot. Le roi a écrit de sa main au Comité de constitution pour prier qu’on traitât favorablement M. d'Albert de Rioms! Les magistrats de Rennes ont fait l'impossible, mais inutilement, pour obtenir du garde des sceaux que le roi intercédât pour leur épargner la deuxième apparition à la barre; ils y ont manifesté une moroue silencieuse : en arrivant, ils ont fait les saluts; après avoir entendu le décret, ils ont recommencé les saluts et se sont retirés. Leur contenance a fait peur à quelques bonnes âmes, qui ne veulent pas croire qu’ils n'ont osé retourner, sans s'être acquittés de ce cérémonial désagréable, et que les Bretons les auraient ramenés pieds et poings liés.

[Suivent des détails sur les manœuvres du curé de Bournainville, et sur les distributions de brochures séditieuses auxquelles il se livre.]

(Papiers R. Lindet.)

(1) Eymar (Jean-François-Ange d'}, abbé de Wal-Chrétien, député du clergé de Haguenau et Wissembourg. Cf. Le discours de Maury, Moniteur, 111, 163 et suiv.