Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

CONSTITUANTE (23 JANVIER 1790) 59

nies, et par l'éternelle violation de ce régime. Cependant ce n’est pas une raison de réduire les hommes à l’esclavage que de se procurer des denrées à un plus bas prix.

Cette grande question, solennellement débattue en Angleterre, y doit trouver sa solution. Nous devons être moins jaloux de donner un grand exemple que d’en suivre un bon.

Comme vous l’observez bien, et comme il y a longtemps qu’on le dit à l’Assemblée nationale, il faut régler les affaires de la France avant celles de l'Amérique.

La question des gens de couleur, libres ou affranchis, a été bien accueillie : elle devait l’être. Il n’en a pas été de même de celle des esclaves, qu’on a regardée comme prématurée, Cependant, des gens imprudents, ou mal intentionnés, ou fanatiques, ont déjà exposé et exposeront encore nos îles aux plus affreuses révolutions, et mettront peut-être l’Assemblée dans la nécessité de traiter une question qui ne peut avoir de meilleure solution qu’un ajournement à la prochaine session.

Une considération, qui rend ce renvoi nécessaire, c’est que les députés des colonies, dont la plupart n’a jamais sorti de Paris, représentent bien imparfaitement des commettants qui n’ont eu aucune part à leur nomination. Il serait malheureux que les circonstances forçassent à traiter cette matière, mais j'ai toujours remarqué un grand éloignement pour l’aborder.

On a dû vous faire part de l'issue des mouvements excités de Paris. C’est un dernier effort de l’aristocratie expirante. Les libelles répandus avec profusion dans les provinces tendaient à exciter une commotion universelle et simultanée. Des lettres anonymes et menaçantes m’annonçaient que Lisieux et Orbec devaient offrir quelque scène violente. C'est ce qui m'engagea à vous écrire une aussi longue lettre, le premier jour libre que je trouvai. On voulait soustraire le parlement de Rennes à