Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

98 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

gardes. C'était la fin d’une grande popularité; mais l'homme tombé pouvait encore, tant la solidarité avec le parti était forte, soit entrainer celui-ci dans sa chute, ce qui arriva le 8 août, soit, par une violence désespérée, tenter de le relever, ce qui échoua le 19 août, mais conserva La Fayette comme en marge de la Révolution.

De retour à Maubeuge, le 2 juillet, il subit la dépression morale ordinaire après les crises violentes. Pendant la période d’excitation, le 16 juin, il disait, au sujet de la guerre contre la coalition : « La nation française, si elle n’est pas la plus vile de l'univers, peut et doit résister à la conjuration des rois qu'on a coalisés contre elle. Ce n’est pas sans doute au milieu de ma brave armée que les sentiments timides sont permis : patriotisme, énergie, discipline, patience, confiance mutuelle, toutes les vertus civiles et militaires, je les trouve ici. » Vingt et un jours après, le 6 juillet, l'ennemi n'ayant pas fait un mouvement, il écrit cependant au roi, d'accord avec Luckner, que la défense de la frontière est impossible; qu’il faut conclure la paix le plus vite possible avec les coalisés et faire revenir l’armée plus à la portée des intérêts politiques qu'elle doit défendre. « Si ces grands intérêts peuvent n'être pas compromis, une paix prompte et honorable serait le plus important service que le roi püt rendre à la nation, et Sa Majesté doit se pénétrer de plus en plus de la nécessité qui la presse de faire toutes les démarches personnelles qui pourront contribuer à nous procurer ce grand bienfait*.» Lisons entre les lignes. Les « démarches personnelles » ne peuvent avoir

1. Cette lettre n’a pas été imprimée dans les Mémoires de 1837. L’original est aux Archives de la guerre. (CHARAvAY, ibid., p. 316.)