Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 97

de contredire : elle lui accorde les honneurs de la séance. Guadet comprend que la seule responsabilité qu'on puisse invoquer est celle du ministre, et, avec une modération où l’on sent de la pitié, il demande si c'est avec une permission ministérielle que le général a quitté son poste. Ramond', le touriste géologue des Pyrénées, grand ami de La Fayette, demande l’indulgence de l’Assemblée : « II faut faire, dit-il, quelque acception de personne en faveur du fils ainé de la Révolution francaise. »

« Le peuple est partagé, dit le Journal de la guerre (29 juillet 1792), les gens sages sont étonnés. » Personne, en effet, ne se soucie plus d’avoir un auxiliaire capable de telles extravagances. Le roi et la reine le recoivent froidement et se détournent définitivement. La Fayette convoque chez lui, en sortant des Tuileries, l'état-major de la garde nationale, et propose pour le soir un coup de force dont le point de départ serait aux Champs-Élysées. Il vint une centaine de gardes. On s’ajourna au lendemain pour marcher sur le club des Jacobins si on était trois cents. Il en vint trente. Ce jour-là, une revue de la garde nationale devait avoir lieu : la cour fait envoyer par Pétion contreordre, de peur d’un éclat de La Fayette devant les

1. Ramond de Carbonnières, né à Strasbourg en 1758 et mort à Paris en 1827, fut d'abord conseiller intime du cardinal de Rohan et mêlé activement, quoique obscurément, à l'affaire du collier de la reine. Député de Paris à la Législative, il fut d’abord du parti royaliste, puis passa dans celui des constitutionnels à la suite de La Fayette. Après le 10 août 1792, il se retira dans les Pyrénées, dont il fit la première description géologique. Incarcéré de janvier à novembre 1794, il devint, en 1796, professeur d'histoire naturelle à l’École Centrale de Tarbes. De 1800 à 1806 il fut député au Corps législatif. À la demande de Bonaparte, il écrivit une brochure : Naturel et légitime, pour préparer l'opinion au passage du Consulat à l'Empire, ce qui lui valut la préfecture du Puy-de-Dôme, de 1804 à 1814. À la Restauration il fut nommé conseiller à la Cour des comptes. Cf. Lettre IV, p. 192,

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