Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

100 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

toute une génération d'hommes passera avant qu'il puisse se relever. La réponse du peuple se fit attendre deux jours. Le 10 août il renversait la monarchie.

Il s'en fallait de beaucoup que la sensibilité de La Fayette fût préparée à une telle commotion. II était dans une sorte d’enivrement de triomphe après le vote du 8 août, qui semblait reconstituer autour de lui le parti constitutionnel. « Mon affaire à l'Assemblée, dit-il (III, 477), en réunissant contre les brigands une majorité des deux tiers des voix, allait remonter un peu la machine politique. » Il estime que le moment d’une intervention de la force armée est venu, et il trouve que l’Assemblée tarde trop à faire appel aux trente mille hommes qu’il tient sous sa main à Sedan. « La faction désorganisatrice sentit qu'il ne lui restait d'autre voie que la plus extrême violence. Le 8 août, les membres les plus respectables de l’Assemblée furent assaillis, en sortant, par des pierres, des bâtons et des sabres. Le lendemain, l'Assemblée se leva presque entière pour déclarer qu’elle n’était pas libre. Un appel au général d'armée patriote ou quelque autre mesure de vigueur aurait dù suivre cette déclaration; alors l’ordre légal eùt peut-être encore été sauvé! » (III, 375.) Mais, Le 12 août, il apprend la révolution du 10 et les décrets qui consacrent en ces termes la victoire du peuple : « Le chef du pouvoir exécutif est provisoirement suspendu de ses fonctions jusqu’à ce que la Convention nationale ait prononcé sur les mesures qu’elle croira devoir adopter pour assurer la souveraineté du peuple et le règne de la liberté et de l'égalité. Ses décrets auront force de loi sans la sanction royale et seront promulgués au nom de la nation. » Les ministres girondins que La Fayette a menacés, insultés, évincés, sont