Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 105

monde, tout à fait étranger à l'esprit de son temps, et que les hardiesses de son cousin La Fayette stupéfiaient. Il avait donné sa mesure en provoquant sciemment, par des suppressions de solde, les réclamations des troupes de Nancy, dévouées à la Constituante, eten les faisant ensuite fusiller avant enquête. Il finit à sa place, dans les intrigues de l’émigration.

Dumouriez, aventurier sans scrupule de l'ancien régime, tenta, après La Fayette, contre la Convention ce que Bouillé n'avait pu contre la Constituante, non pour servir un principe, mais pour trouver dans la politique ou les succès militaires une situation à gros intérêts. Il avait, de plus que La Fayette, l'expérience de l'intrigue, et, après Valmy, Jemmapes et la prestigieuse campagne de Belgique, la réputation d'un général en chef heureux. Avec moins de ressort moral et une popularité plus tardive que le héros de l'indépendance américaine, ilen reprit le rôle, passa par les mêmes crises et se flatta d'y ménager plus habilement le succès final et ses intérêts personnels. Ils voyaient tous deux à la Révolution le même but prochain, la conquête des libertés civiles, avec la même indifférence pour les formes gouvernementales. Attachés tous deux, comme à un expédient indispensable, à la monarchie constitutionnelle, ils avaient en égale horreur la démocratie, et, pour se faire place, recoururent aux mêmes procédés : lettres menacantes aux pouvoirs civils, irruptions dans les assemblées, arrestation des commissaires envoyés dans leur camp, négociations équivoques avec l’étranger, enfin emploi de la force armée comme moyen d'action ou d’intimidation, et confiance en soi comme sauveur appelé à terminer la Révolution. Il est vrai que Dumouriez n'aspirait, en définitive, qu'au