Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

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profit, tandis que La Fayette, très supérieur à ce bas égoïsme, subissait l'entrainement de sa gloire. Tous deux échouèrent, l’un en 1792, l’autre en 1793.

Mais Dumouriez, s’il avait su attendre, était assez souple d'esprit et de caractère pour s’accommoder plus tard d’un autre « moyen de parvenir ». Pressé par sa situation personnelle, il précipita les événements et s’y brisa sans retour possible. IL était réservé, au contraire, à La Fayette de voir ses plans réalisés dans une phase ultérieure de la Révolution. Comme Beurnonville, ministre de la guerre en 1795, à qui Dumouriez rendit le service de le faire arrêter en même temps que les quatre commissaires de la Convention, il passa dans les prisons de la coalition les époques les plus critiques, et sa gloire y demeura « enveloppée et comme préservée par l’infortune ». (L. Braxc.) Quoique visant plus haut que Dumouriez, La Fayette était plus borné dans ses vues; mais, s’y attachant avec l’obstination du monoïdéiste, et incapable de les modifier par les lecons d’une expérience de plus de quarante ans, il vécut assez pour assister aux crises où la France rejeta une seconde et une troisième fois les Bourbons, pour intervenir en chaque occasion contre l'établissement de la république et faire enfin une réalité de L « amaloame constitutionnel » rêvé par lui en 1789 et par Dumouriez en 1793. C’est La Fayette qui mit sur le trône le général Égalité, l’heureux combattant de Jemmapes. I n'eut pas besoin pour cela de le faire escorter par des hussards autrichiens, comme Dumouriez après Nerwinden, ni de lutter, comme en 1799, contre la concurrence de l’homme de brumaire, ni enfin de recevoir, comme en 1815, son candidat d’un étatmajor étranger : il n’eut qu'à peser de toute sa