Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

112 GORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

Au bout de deux mois et demi de leur séjour à Magdebourg, la princesse d'Hénin, amie de La Fayette, qui vivait réfugiée à Londres, avait pu trouver un moyen de correspondre secrètement avec les prisonniers et faisait passer leurs lettres à chacune des quatre familles. Elle était femme du dernier représentant de la maison d'Hénin d'Alsace. Thomas de Hénin-Iliétard, cardinal d'Alsace, mort le 6 janvier 1759, avait cédé à son frère puiné la principauté de Chimay et la grandesse d'Espagne. Celui-ci, Alexandre Hénin d'Alsace, comte de Bossut, prince de Chimay, fut créé prince du Saint-Empire en 1736. Son fils Philippe est le dernier prince d’'Hénin, mort en 1804. C’est à M° d'Hénin qu'après six mois de secret absolu La Fayette peut écrire qu'il est vivant, le 15 mars 1793. Cette première lettre secrète d'une série qui va s'étendre sur cinq années fut transerite pour tous les amis des prisonniers. M°° d’Hénin la communiqua à Washington, et en 1828 Jared Sparks la trouva dans les papiers de l'ancien président dont il préparait l'histoire. Il traduisit la lettre en anglais et la publia dans sa Vie de Gouverneur Morris (Boston, 1832). D’après cette traduction anglaise, qui ne serre pas le texte de très près, fut faite une très mauvaise traduction française dans la Revue rétrospective en 1835 (t. V). Quand parut le quatrième volume des Mémoires de La Fayette, en 1838 (Paris, Fournier), la lettre fut publiée sous la date inexacte du 13 mars 1793, tronquée et modifiée en de nombreux passages. Elle parait done pour la première fois dans son texte authentique.

Dans les passages rétablis, on voit que deux fois Alexandre Lameth était nommé. La rupture entre La Fayette et lui datait des premiers jours de la Constituante, et c’est par hasard que, le 19 août 1792, Lameth, proscrit égale-

ment et fugitif, avait été capturé avec La Fayette et ses