Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

114 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

ni La Fayette n’eussent d’ailleurs vu sans horreur la Révolution aboutir à une démocratie républicaine. Aussi, après la fuite de Varennes, le parti Lameth se replia sur le centre constitutionnel et même sur la droite monarchique. Mais l'écart initial ne fut jamais oublié ni pardonné par La Fayette.

En d’autres passages rétablis, dans cette lettre du 15 mars 1793, nous voyons que M. Pinkney, ministre des États-Unis à Hambourg, était, quoique son nom ne paraisse pas encore, l'intermédiaire entre les prisonniers et Me d’'Hénin; des deux domestiques de La Fayette, l’un, qui est nommé, Félix, eut les honneurs d’un cachot à part, comme les quatre officiers. C’élait un garçon de seize ans. Après l'arrestation du 19 août 1792, il fut chargé de garder les effets des prisonniers et pendant plusieurs jours séparé d’eux. N’étant plus gardé, il pouvait s'échapper, mais ne voulut jamais quitter le général. Pendant toute la captivité, son ingéniosité trouva des moyens de correspondance entre les prisonniers en sifflant, en chantant des airs à sens conventionnel. (Cf. lettre de M"° de La Fayette, 10 mai 1796.) Quand La Fayette s'établit à Lagrange, en 1800, Félix Pontonnier fut mis à la tête des travaux agricoles et mourut percepteur des contributions à Fontenay (Seine-et-Marne)! L’autre domestique, nommé Chavaniac, et dont les éditeurs des Mémoires ont supprimé plusieurs fois la mention, pouvait circuler davantage dans la prison pour faire le service du général. C’est par lui que put s'effectuer la correspondance secrète avec le dehors. Il avait pu, à Magdebourg et à Neisse,

8 Mais comme la garde était changée tous les jours à la

gagner un des soldats de la garnison.

forteresse, il ne pouvait confier à ce soldat de lettres ou

1. Cf, J. Croquer, Souvenirs sur la vie privée du général La Fayette, Paris, 1836, p. 90.