Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

118 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

rique, la Déclaration des Droits et l’organisation de l’armée civique.

Quant à la constitution française de 1791, il indique ce qu'il eût fallu pour la rendre moins défectueuse, et comment elle n’a été pour lui qu'un pis-aller. Il ne lui vient pas à l’esprit que le principal défaut de cette organisation constitutionnelle de la monarchie était d’être en contradiction avec la Déclaration des Droits; et d'autre part, quand il loue la constitution américaine, il oublie de quelle anarchie elle sortit, à quelles préoccupations peu démocratiques elle répond, et enfin que son fonctionnement régulier est bien postérieur à son départ d’Amérique, puisque cette constitution n’entra en vigueur que le 90 avril 1789. Le départ entre le bien et le mal de la Révolution française est marqué, selon La Fayette, par sa propre attitude, exclusivement consacrée à l’organisation de la monarchie constitutionnelle. Mais n’était-ce point là vouloir dénaturer et arrêter ce grand mouvement auquel il dit sa propre réputation attachée‘? Il a luimême reconnu ailleurs, en reprenant cet examen qu'il fait dans la lettre V, le caractère à peu près irrésistible de ce mouvement : « Sans doute il eût fallu dans le peuple français plus de vertu, mais le levain corrupteur était dans son régime; plus de lumières, mais il n’était ni permis ni possible de l’éclairer; plus de lenteur, mais nos adversaires précipitaient leur perte, et nous eûmes à choisir entre un asservissement sans ressources et une régénération subite et complète. » (III, 223.) C’est à ce choix, à cette décision radicale, que La Fayette se refusera toujours, quoique à plusieurs reprises, nous le verrons dans ces lettres, l'urgence s’en fût présentée à sa cons-

1. IT, 219: « Ma réputation est attachée à un grand mouvement où j'ai dû avoir contre moi ceux qui ont voulu l'arrêter et ceux qui ont voulu le dénaturer. »