Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

NOTICES SUR LES DOCUMENTS INÉDITS 119

cience. Il reproche à la Révolution son caractère tumultuaire, mais il a reconnu « qu'il était difficile de corriger quelque chose à moins de tout abattre » (III, 125). Et en effet, l’ancien régime n'ayant pu se réformer pacifiquement, lentement, « on dut faire une révolution violente et brusque, et opérer en hâte, presque tout d’un coup, des destructions, des changements, des constructions qui, si on avait pu suivre une marche normale, auraient demandé un grand nombre d'années. Les tentatives pour constituer la république démocratique se firent dans un camp militaire'. » On dut à la fois légiférer rationnellement pour l'avenir, pour la paix, et légilérer empiriquement pour le présent, pour la guerre. De là ce caractère de hâte fiévreuse, d'improvisation, de contradiction, de violence et de faiblesse qu'il était à peu près

impossible d'éviter.

VI. — La lettre VI restitue aussi d’assezimportants passages supprimés en 1838. Ainsi La Fayette eut, pendant le commencement de sa captivité, des raisons de se croire empoisonné. Il s’interdit alors toute préférence entre les aliments fournis, afin de faire porter sur les geôliers toute la responsabilité de son état de santé. Il répète ici ses accusations contre Dumouriez et le duc d'Orléans. Il s’indigne, en vrai patriote, contre l’émigration de certains ofliciers, qui non seulement passaient à l’ennemi, mais encore emportaient les caisses régimentaires. Sa haine contre la coalition va jusqu’à lui rendre moins antipathique la République jacobine dans sa lutte contre les rois. Il sent que, si mauvais à son gré que soit le régime actuel de la France, la résistance qu’il oppose

à l’Europe est le dernier recours de la cause de la liberté

1. Auranrp, Histoire politique de la Révolution française, p. VI.