Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

NOTICES SUR LES DOCUMENTS INÉDITS 195

coalisées de dépecer la France comme la Pologne; il apporte des informations sur la délibération dont il fut l’objet dans un conseil de guerre des puissances; des déclarations très fières sur les conditions de dignité personnelle auxquelles il subordonne l'effort de ses amis pour le délivrer; enfin des explications sur les ruses de correspondance qui rendent intelligibles d’autres passages de ses lettres.

La Fayette affirmait dès lors ce que plus tard l’histoire a confirmé, que la préoccupation dominante des puissances coalisées et des émigrés était beaucoup moins de sauver la vie de la famille royale que de mettre à profit et même de fomenter les troubles de la France pour s’y faire des parts comme en Pologne. Il dira justement dans le morceau intitulé Guerre et Proscription (HI, 346): « Les conseillers (du roi) les plus influents n’espéraient le retour de la royauté absolue que par un surcroît d’anarchie et l'invasion étrangère; la vie du roi leur était peu de chose auprès du recouvrement de ses privilèges. » « Nous savons bien que M. de La Fayette sauvera le roi, mais il ne sauvera pas la royauté, » disait-on publiquement aux Tuileries. De même, la coalition, faisant bon marché de la vie de Marie-Antoinette et de ses enfants, refusa d'entendre et garda prisonniers, le 6 août 1793, les deux envoyés de la Convention, Semonville et Maret, chargés de négocier avec les puissances la cession de la famille royale. Ce qui importait avant tout aux alliés, comme le déclara le congrès diplomatique d'Anvers, c’était de « trouver dans les suites de la guerre des indemnités pour le passé et des garanties pour l'avenir ».

La Fayette a bien pénétré cet égoïsme des alliés, dont il fait, en 1793, remonter les menées à trois ans en arrière. En effet, dès octobre 1790, dans les pourparlers entre l'Autriche, la Suède et la Prusse au sujet d’une