Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

126 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

intervention en France, l'Autriche déclarait vouloir reprendre l'Alsace et la Lorraine par une revision des traités de Munster (ou de Westphalie, 1648) et de Vienne (1737). Le ministre de Suède à Londres y déclarait « très simple que l'Empire germanique cherchât à rentrer en possession des provinces qui en avaient été détachées! ».

Pour confirmer officiellement ces vues, le 10 octobre 1790, au lendemain de son couronnement, l’empereur Léopold promettait aux princes possessionnés en France d'intervenir en leur nom s’il y avait intérêt, « car une France réduite par l'anarchie à l’état de la Pologne entrait parfaitement dans ses plans ». Enfin lorsque, après la fuite de Varennes, Léopold proposa à Frédéric d’entrer en campagne, le roi de Prusse, plus soucieux de s’arrondir que de faire une guerre de principes désintéressés, répondait (28 juillet 1791) : « Si les armes des puissances alliées conquièrent l'Alsace et la Lorraine, il n’y aurait aucune raison de les restituer à la France à la paix; les princes allemands rentreraient dans leurs possessions représentant le quart de ces provinces. Si le reste revient à l’ancien souverain, l'Autriche, il me faudrait un dédommagement équivalent. » Et ce dont la Prusse se contentait alors, c'était la Silésie autrichienne?.

Tout cela, La Fayette l’a deviné etle dénonce. C’eût donc été lui faire tort que de laisser ignorer la perspicacité dont il fait preuve dans cette lettre XI, ainsi que la façon dont il apprécie son propre rôle en Hollande et la haine générale qu’il inspire en Europe. Mais s’il avait un peu poussé les conséquences de ses excellentes réflexions sur le sort de la Pologne, dans le passage que nous rétablissons, non seulement il aurait prévu, comme il le fait, l’épouvantable tragédie qui dura de l'insurrection de Kosciusko

1. Rapport de Barthélemy, 7 janv. 1791. 2, Sorez, l'Europe et la Resolution française, TI, 241.