Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

128 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

les démarches américaines par voie diplomatique et ostensible seraient seules efficaces.

L'homme qui eut la plus brillante popularité au début de la Révolution est obligé de reconnaître qu’il est l'objet de l’animadversion universelle en Europe. En Angleterre, malgré les nombreux amis qu'il y compte, le souvenir de sa conduite en Amérique ne peut lui concilier que l'opposition, alors impuissante et pour vingt ans encore, des whigs comme Fox, Sheridan et Fitz-Patrick. En France, on ne peut protester contre les procédés de la coalition qu’en légitimant l'attitude des jacobins. La Fayette viendrait jusqu'à ce dernier point, nous l’avons vu dans la lettre précédente; mais il ne le franchit pas. Cependant l’idée ne manque pas de grandeur, d’opposer à la coalition des rois contre la France une alliance internationale des représentants du parti libéral et constitutionnel en Angleterre, en Hollande, en France, employant pour réclamer la délivrance de La Fayette le seul moyen à leur disposition, la clameur publique, et s’appuyant sur une proclamation des États-Unis d'Amérique, le seul pays au monde où le parti libéral soit passé, à ce moment, de l'opposition au pouvoir. Ces idées se trouvent dans la lettre XIV et font voir que La Fayette, par ces velléités d’internationalisme, est beaucoup moins Américain d'inspiration que Français du dix-huitième siècle et animé par l'esprit de propagande extérieure. Ce n’est pas un socialiste de nos jours qui a écrit les lignes suivantes : « Les distinctions territoriales n’existent pas pour nous; partout les ennemis de la liberté servent les puissances ; partout ses amis voudront nous servir. » Elles sont de l’homme dont la bourgeoisie a fait son héros et son type favori; c’est La Fayette (lettre XVII, 16 mai 1794) qui fait appel en ces termes à l’internationale bourgeoise. Ce ne sera pas là, plus tard, une phrase