Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

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échappée par mégarde, car nous voyons la même pensée s'exprimer déjà dans cette lettre XIV comme la formule de la défense contre le parti de la tyrannie représenté par les « bonnets rouges et les tètes couronnées ».

Mais ses sentiments invincibles d’aversion pour les Jacobins, qui soutiennent à cette heure l'honneur et l'indépendance de la France, empêchent La Fayette d’aborder, dans son plan de délivrance, la seule hypothèse qui était destinée à se réaliser. Avec quel éclat il eût, en 1793, repoussé l’idée que seuls les succès de l’armée jacobine dussent obliger un jour l’Autriche à ouvrir les portes de sa prison! Cette éventualité même lui sera offerte en octobre 1794 par Bollmann, sur les marges d’un livre introduit dans son cachot d’Olmütz. Il sera très sceptique : « Je crains, je l’avoue, dira-t-il (lettre XXIX), que les combinaisons qui se préparent ne me tirent pas plus d'ici que celles qu'avait produites le traité de Pilnitz*. » Il met tout son espoir non dans l’intervention particulière de Washington, qui aura lieu en effet à plusieurs reprises et ne produira rien, mais dans une démarche éclatante des États-Unis, intervenant diplomatiquement dans le conflit des nations d'Europe. C’est là, chez lui, une idée fixe dont il sera obsédé pendant toute sa captivité. De même qu'il n’a pu douter un instant que la coalition admettrait sa prétention d’être traité en citoyen américain, neutre et insaisissable, le 19 août 1792, de mème il ne saurait imaginer des obstacles à une déclaration officielle des États-Unis en sa faveur. Dans le premier cas, c'était prêter peut-être beaucoup de naïveté à l'Autriche, entre les mains de qui il se plaçait; dans le

second, c'était attribuer aux Américains une politique de

1. A Pilnitz, le 25 août 1791, l'empereur et le roi de Prusse avaient promis de combiner leurs efforts pour tirer Louis XVI de Paris, où il était prisonnier,