Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

NOTICES SUR LES DOCUMENTS INÉDITS 131

voyail peut-être ni si haut ni si loin; mais le prisonnier se flatte d’avoir cette place dans les préoccupations des

puissances.

XVI à XXI. — Les six documents qui suivent doivent être envisagés ensemble. Cinq ont été écrits le 3 janvier 1794, par La Fayette, un le 26 février suivant, par M"° d'Hénin. Au moment où le prisonnier pensait que son plan de délivrance était en voie d'exécution, une péripétie renversait tout. De Magdebourg, sur l’Elbe, il allait être transféré à Neisse, en Silésie, à une distance d'environ quatre cent quarante kilomètres. Selon lui, ce brusque changement de prison doit être attribué au besoin quela Prusse éprouve de réagir contre l'intérêt que, même en Allemagne, l'opinion commence à prendre pour la situation des prisonniers; on voit en La Fayette le sauveur possible de la liberté; on craint que, s’il échappe à la prison, il ne contribue à sortir la France du chaos, à lui rendre l’ordre légal, et l’on tient à l’isoler de plus en plus, peut-être même à lui imposer un régime si dur qu’il y succombe (lettre XVII). Au moment de quitter Magdebourg, La Fayette se crut réellement visé de nouveau par des desseins sinistres : il se soupçonna d’abord empoisonné et ensuite condamné à une mort lente et ignorée dans les cachots de Silésie. Il eut peur. Il se livra « aux plus violents mouvements de la tendresse et de la terreur » (lettre XVIII). Il dit adieu, comme « pour la dernière fois », à sa famille et à ses amis, en les avertissant de ses pressentiments funèbres. Il leur communiqua ses craintes au point que M“° d’'Hénin considéra la lettre du 3 janvier 1794 comme un testament, la fit transcrire et enregistrer officiellement pour servir de base à une action à intenter ultéricurement. De là le document XIX, supprimé en 1838, ainsi que tous les passages qui s’y