Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

142 GORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

Beurnonville et les quatre commissaires de la Convention, ils sont douze. Lameth, resté à Magdebourg, a été ensuite rendu à la liberté. Bientôt, après la malheureuse tentative d'évasion du 8 novembre, ses deux auxiliaires, le médecin hanovrien Bollmann et l'Américain Huger, fils du major chez qui La Fayette avait débarqué en 1777, viendront pour six mois partager leur captivité. Le 15 octobre 1795*, M®° de La Fayette s’enfermera, avec ses deux filles, dans le cachot de son mari. Tous ces prisonniers ont affaire au baron de Thugut, premier ministre de l’empire, et le drame de la captivité est suspendu à cette volonté qu'il s’agit d’ébranler.

Après les échecs subis pendant la campagne de France, la direction de la diplomatie autrichienne fut retirée, le 27 mars 1793, à ses deux principaux agents, Cobentzel et Spielmann, et confiée officieusement au baron de Thugut, qui ne prit la qualité de ministre des affaires étrangères qu'en août 1794, après la mort dé Kaunitz, et resta à ce poste pendant toute la Révolution. Il réclama de la Prusse pour l'Autriche la garde de tous les prisonniers dont on pouvait faire des otages et se servir dans les négociations diplomatiques avec la France. C'était l’homme le plus retors qu’eût encore employé l'empire germanique. Sous le régime de l'alliance de 1756 entre la France et l’Autriche, il avait été payé à la fois par les deux puissances, et les trompait alternativement. Dans la Révolution il ne vit jamais une question de principes, mais un moyen de servir les projets d’agrandissement territorial de l'Autriche et de nuire à la Prusse. Ses vues sur la France étaient d’un homme sans scrupules. Il écrivait, le 30 mars 1793 : « Ce qui est essentiel pour le service de l'Autriche, c’est qu’il y ait (en France) des

1. Mapame DE MonTAGu, p. 273.