Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

148 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

de prétendu juste milieu, partisans de ce qu'ils appellent la « vraie » liberté, hors de laquelle il n’y a que licence et anarchie, respectueux de la loi et de l’ordre publie dès qu'ils y trouvent leur compte.

Toutes ces considérations, qui, enchainées en vue d'une apologie particulière, expriment bien, dans le fragment XXXII, l’état d'âme de La Fayette, ont eu cependant une portée plus générale et traversé le siècle avec son souvenir. Le 4 juillet 1900, lors de l'inauguration de sa statue dans la cour du Carrousel, l’évèque Ireland, en offrant le monument à la France au nom de l'Amérique, disait encore : « Les ennemis de la liberté, il les haïssait : l'absolutisme dans son gouvernement arbitraire, comme l'anarchie dans ses émeutes chaotiques... Il se posa comme le défenseur de la loi et de l’ordre publie que l'anarchie voudrait démolir. Quand en France la lutte pour la liberté dégénéra en sauvage licence, il se démit du commandement qu'il avait accepté au nom de la liberté, et prit le chemin de l'exil, qui le mena à la prison d'Olmütz. Il eut à souffrir des partis extrêmes parce qu’il voulut toujours garder le juste milieu; aussi, nous qui aimons la vraie liberté, aimons-nous le nom de La Fayette. »

Le ton apologétique est le même dans le fragment XXXIIT. Depuis que la république démocratique, en France, a fait place à la république censitaire et bourgeoise (25 oct. 1795), ct que celle-ci penche de plus en plus vers la république plébiscitaire et militaire, La Fayette se sent disposé à se rallier au gouvernement français, auquel il ne voulait rien devoir lorsque celuici était démocratique (lettre XXVIT); il ne veut plus entendre parler d’une démarche publique de l'Amérique, qui lui paraissait le seul moyen de salut acceptable pour lui en 1794. Il a retrouvé toute sa confiance dans les