Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

156 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

même au dela du Rhin, ni peut-être en Hollande. » Il fallut un mois (9 août-9 septembre 1797) pour régler ces difficultés, et c’est seulement alors qu’il donna l’ordre d’élargissement. Les prisonniers ignoraient ces considérations, et leur impatience grandissait d'autant. Ils voyaient fuir leurs espérances et recommencçaient à combiner des démarches, à rédiger des réclamations, à mettre en mouvement tous leurs amis pour arracher à la ténacité de Thugut l’accomplissement de ce qu'ils croyaient un engagement formel. Ce sont là toutes les angoisses qui se font jour dans la lettre (KXXVIT) de M"° de La Fayette à Pillet, le 9 septembre 1797.

On y trouve la vigueur d’esprit et la délicatesse de sentiments de cette femme si énergique, qui, du fond du cachot où elle s’est volontairement ensevelie, conçoit et dirige toute une diplomatie pour lutter contre celle de Thugut. Elle n’est que le secrétaire de ce qu’elle nomme «le triumvirat prisonnier », mais elle en est le très habile interprète. Netteté de pensée, limpide rapidité de la forme, logique tenace des conceptions, prudence à retenir les auxiliaires qui s’impatientent, ingéniosité à suggérer des plans, à dicter des lettres à la fois pathétiques et fermes aux femmes des compagnons de La Fayette, pour ce Thugut dont elle exècre la perfidie, mais dont il faut, par persuasion, ouvrir la serre déloyale, tout cela est au vif dans cette lettre, avec la noble préoccupation de ne pas laisser s'engager Romeuf, oflicier et agent français, ni dans des démarches compromettantes ni dans des concessions contraires aux principes des prisonniers. Et, au milieu de toutes ces angoisses, quelques pointes spirituelles et un peu de gaieté sur l'horreur d’une situation dont la fin s’entrevoit.

spontanée du Directoire; Bonaparte ne fit qu'exécuter l’ordre qu’il avait recu, » (Zbid., p. 427.)