Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

1% CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

l'organisme, au delà de laquelle on ne saurait remonter, pour en trouver une explication, sans aboutir aux doctrines simplistes, mais contradictoires, du substantialisme unitaire. Mais l’idée et la passion sont des états de conscience, et la conscience de l'homme est capable d'intervenir dans le jeu de ses propres éléments, de les révoquer, de les prolonger, de les organiser en séries, de commencer absolument ou d'interrompre ces séries. Elle est automotrice. Il est bien vrai que les ordres et séries d'états de conscience sont naturellement et la plupart du temps déterminés les uns par les autres. Mais, en tant qu'automotrice, la conscience peut, d'elle-même, prendre sur ses propres états une initiative, au sens le plus fort du mot, c’est-à-dire qu’elle peut être elle-même un antécédent non déterminé par d’autres, rompant complètement les séries antérieures, échappant par quelque côté, et là sans aucune réserve, aux influences préexistantes, et faisant par sa seule et suffisante intervention que quelque chose soit qui n'était pas, même d’une facon implicite. Ce pouvoir, c’est la volonté, force d’arrét où d’impulsion, par laquelle la personne, en quelque partie, se fait, se dirige et se transforme, pendant que pour d’autres parties elle est faite, déterminée, influencée. Dans la mesure où la volonté agit sur nos idées et nos passions, nous sommes nous-mêmes notre œuvre, nous nous donnons notre caractère et nous avons une responsabilité. Moins elle agit, plus nous retombons sous le mécanisme des forces naturelles et devenons simplement l’une d’entre elles, irresponsable des effets de solidarité subis et provoqués tour à tour dans le jeu fatal des phénomènes. Connaitre un homme, c’est discerner dans quelle