Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

NOTIGES SUR LES DOCUMENTS INÉDITS 163

raconte Clarkson ‘, elle voulait que l’Angleterre prit une mesure semblable. C’est alors qu'il se chargea de transmettre à Pitt, dont il était l'ami, une lettre pressante de Mirabeau sur la question. La Constituante supprima la prime; mais, à la fin de la session, cette décision fut rapportée par suite d’une coalition d'intérêts particuliers des deux côtés de l’Assemblée. C’est à toutes ces circonstances que fait allusion cette lettre de La Fayette.

Elle est aussi un nouvel exemple de la difficulté qu'éprouvait La Fayette à rendre justice à la Convention, même dans les décrets qui répondaient le mieux à ses idées. L’abolition immédiate de l'esclavage fut votée le 16 pluviôse an IT (4 février 1794); mais c’est le radicalisme de cette mesure qui choqua La Fayette, ami des demi-mesures. Quand il avait annoncé à Washington (8 février 1786) son acquisition de Cayenne, « son dada » (obby horse), il avait reçu du président cette réponse, qui devait être la formule de sa propre doctrine : « Une émancipation subite amènerait, Je crois, de grands maux ; mais certainement elle pourrait, elle devrait étre accomplie graduellement, et cela par autorité législative. » (10 mai 1786.)

Aussi La Fayette semble-t-il attribuer à la précipitation des conventionnels la révolte des noirs aux colonies. En réalité, c'est en 1791 que les hommes de couleur et les nègres affranchis s’insurgèrent, ayant en vain réclamé l'égalité politique avec les blancs ; les massacres de Saint-Domingue sont des 21 mai et 24 juin 1793, et ce sont les colons qui, après le décret du 4 février 179%, appelèrent dans l'ile les Anglais et les Espagnols. Dans la seconde partie de la Jettre, La Fayette dé-

1. History of the abolition of slave trade, 1808, 2 vol. traduits en français par l'abbé Grégoire, 1. IL, p. 128.