Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

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plore l'infidélité de la majorité de Pitt toutes les fois que celui-ci se déclarait pour l'émancipation des nègres. C’est en cela seulement qu'il trouve le Parlement rétrograde. En effet, Pitt, premier ministre à vingt-cinq ans, ‘en 1784, put bien résister à toutes les libertés politiques pendant dix-huit ans à l'aide d’une majorité de tories, mais sur la question de l'esclavage il fut, dès 1788, avec son ami Wilberforce, et même, malgré son hostilité profonde contre Fox, il vota avec ce dernier, en 1791, pour l'abolition de la traite. Il contribua plus que personne à retarder le régime parlementaire, qui n’est admis en doctrine par l’Angleterre que depuis 1820. Les deux premiers George (1714-1727-1760) en avaient fait l’essai en laissant la réalité du pouvoir exécutif à des ministres pris dans la majorité du Parlement. Mais dès 1760 George IT, revendiquant la prérogative royale, revint à l'ancienne doctrine de la balance des pouvoirs formulée par Locke en 1690 dans ses Traités sur le gouvernement et par Montesquieu dans l'Esprit des lois (XI, 6). Pitt ne fit que pousser à l’extrème cette réaction.

Mais ce n’est pas cette politique que La Fayette estime trop rétrograde (100 backward), puisque, nous lavons vu!, c’est en Angleterre et en Amérique qu’il trouve la cause populaire bien défendue?. Il ne reproche à Pitt que son entente avec la coalition, et se montre disposé à lui pardonner beaucoup en raison de son attitude dans la question de la traite. Tant il est vrai que La Fayette se montre toujours plus sensible aux réformes civiles qu'intéressé aux droits politiques.

Les Mémoires (IV, 402) donnent une traduction approximative de cette lettre à Clarkson; mais nombre de passages y sont supprimés, tandis que d’autres ont été

1. Cf. notice sur la lettre VI, p. 121. 2, Cf. lettres IX et XI.