Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

166 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

établie d’abord en Suisse dans la terre de Lowemberg (canton de Fribourg), où elle dirigeait activement et fructueusement une exploitation agricole, avec de nombreux bestiaux. « Plus prévoyante que la plupart des émigrés, elle n’était pas partie de France comme une hirondelle, n’emportant, pour être plus légère, que le plumage de ses ailes. Elle s’élait munie de certaines valeurs qui devaient la mettre à l’abri du besoin et lui procurer le bonheur d’être utile aux autres. Elle avait placé ce capital dans le sol, et vivait du produit de son domaine, dont la direction et la surveillance fournissaient un aliment indispensable à son activité! »

Esprit très émancipé par la lecture des philosophes du dix-huitième siècle, elle avait applaudi à tous les coups de tête de son neveu La Fayette, qu’elle traitait comme son héros. Elle avait fui devant la Révolution, non par terreur, mais par prudence, et restait voltairienne. M°° de Montagu, sœur de M"° de La Fayette, s’étant réfugiée chez elle à Lowemberg, le gouvernement de Berne s’inquiéta de voir une colonie d’émigrés se former près de lui, et M"° de Tessé vendit la ferme et vint en exploiter une autre à Erfurt, en mai 1795, puis à Altona, sur l’Elbe, en face de Hambourg. C’est là qu’elle recut, en octobre 1795, Me de La Fayette et ses filles en voyage vers Olmütz. Le mois suivant, elle quitta Altona pour aller s'installer à vingt-cinq lieues plus au nord, dans le Holstein, à Ploën. Dans l’été de 1796, elle acheta sur la rive nord du lac de Ploën la terre de Wittmold, où elle s'établit pour quatre ans, et où elle recueillit les familles La Fayette, Montagu, et nombre de proscrits. La Fayette y resta un an, habita ensuite dans

le voisinage, à Lehmkuhlen {17 nov. 1797). Puis, sa fille

1. Mw pe MoxrTaGu, p. 133.