Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

168 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

France avait autorisé la guerre de course contre les navires neutres qui trafiquaient avec son ennemie. Les États-Unis ayant fait avec l'Angleterre un traité de commerce (19 nov. 1794), la France avait protesté au nom du traité du 6 février 1778, et ainsi les relations diplomatiques étaient rompues depuis 1796. La Fayette souffrait de cette situation et désirait contribuer à la modifier. « Quoique libre désormais, disent les Mémoires de M"° de Montagu, il trainait encore après lui un bout de chaîne, et ne pouvait aller où il voulait. On le trouvait à Vienne trop républicain, et à Paris trop royaliste. Il eût pu, quoi qu'il en dit, se rendre en Amérique malgré les croisières anglaises, et même, s’il l’eùt voulu, sur un navire anglais ; mais il y a apparence qu'il aimait mieux un asile d’où il pût observer ce qui se passait dans son pays. » Il ne désespère pas d'y voir s'établir un gouvernement régulier sans royauté héréditaire, et place tout son espoir et toute son admiration dans Bonaparte. On voit ainsi se développer cette nouvelle illusion qui le fera rentrer subitement en France après le 18 brumaire, considérant ce coup d’État militaire comme un triomphe de la « vraie liberté ». Dans une lettre à Washington (20 avril 1798), il indiquait que de nouvelles conditions pour l’établissement d’un régime électif lui paraissaient possibles « en dehors de la monarchie arbitraire, du despotisme militaire et de l’anarchie jacobine ».

XLY à XLVII. — Les six mois écoulés du 12 août 1798 au 18 février 1799 représentent une période de douloureuse incertitude pour La Fayette et sa famille. On est menacé dans le Holstein par le progrès des troupes françaises en Allemagne; on n’est pas sûr de pouvoir rester à Vianen, en Hollande, à cause de la mauvaise volonté

toujours possible du Directoire et des plaintes réitérées