Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

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des situations dans le nouveau régime pour tous ceux qui ont été frappés avec lui, conserve, sur l'adresse, le nom du citoyen Beauchet, auquel se rattache le souvenir d’un de ces dévouements obscurs, si nombreux pendant la Révolution. Beauchet, commis à la liquidation de Ia dette en 1792, était le mari d’une ancienne femme de chambre de M" de La Fayette. Celle-ci étant détenue à Chavaniac, il allait fréquemment de là à Paris, pour porter la correspondance de la marquise. Quand celle-ci fut emprisonnée à la Force, M"° Beauchet venait tous les deux jours la voir à la grille de la prison, et écrivait ensuite de mémoire à la famille tout ce dont elle avait été chargée.

Plus loin (lettre XLVI), nous voyons La Fayette s’essayer à une synthèse de la Révolution au point de vue non des conceptions politiques, mais du droit publie et privé. Il distribue en dix chapitres une sorte de cours de droit comparé de l’ancien et du nouveau régime, en France d’abord, et ensuite dans les principales nations de l'Europe. C'est là une vue peut-être prématurée, mais assurément ingénieuse, et qui a été réalisée en partie par Tocqueville pour la France et par H. Summer Maine en Angleterre. Quoique La Fayette ne soit ni historien ni juriste, il a une intuition claire des avantages que présenterait un tel enseignement du droit nouveau introduit dans le monde par la Révolution française. C’est là une des pages de la correspondance qui lui font le plus d’honneur. Il revient sur le même sujet le 11 mai 1798 : « IL y a un chapitre à faire auquel je mets beaucoup de prix : c’est celui de l’ancien régime royal, ministériel, financier, commercial, militaire, robin, féodal, ecclésiastique. Point d’exagération ni d’injures; des faits et des calculs. Si vous en parliez avec exaltation, on vous opposerait le

régime actuel; mais si vous établissez modestement cette