Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)
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séduction intense. La seule énergie continue et inaccessible à la désespérance qui pendant quinze ans (de 1775 à 1789) souleva l'Amérique et la maintint unie malgré la guerre et l'anarchie politique, fut celle de Washington. « Merveilleusement habile, au milieu des plus prudents égards pour les faiblesses humaines, à influer sur les hommes par les sentiments honnêtes et la vérité »*, il devait exercer sur La Fayette un charme profond qui, en effet, fut, dès le premier moment et pour un demi-siècle, une fascination. Une très vive et réciproque amitié unit ces deux hommes séparés par une différence d'âge de vingt-cinq ans, affection quasi paternelle, indulgente, bonne conseillère, mais toujours clairvoyante et parfois sévère, de la part de l'Américain; enthousiasme sincère, plein de vivacités, parfois intempestif et encombrant, dela part du jeune officier français. A la fin de la première année, l’exaltation de La Fayette pour la cause américaine était tombée, et son amitié pour Washington ne l’empéchait pas de comploter, pour sa propre gloire, une expédition au Canada, au moyen de négociations secrètes avec le congrès. Les moindres détails de la campagne furent arrêtés entre un jeune officier sans expérience et quelques politiciens, en dehors de l'influence et sans même prendre l'avis de Washington. Le congrès ne consulta celui-ci qu’au dernier moment, lorsqu'on sentit le besoin d'appuyer du poids de son nom le projet auprès de la cour de Versailles?. Le général se fâcha. Il ne croyait pas que la France eût renoncé définitivement au Canada. « Je crois lire sur la figure de quelques personnes, écrit-il au président du congrès, au-
1, Guizor, Étude sur Washington, p. XXXvuIr. 2. Cf. C. ne Wirr, Washington, p. 148.