Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)
ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 19
que disloqués par la goutte ». Ce qui le surprit beaucoup, dit-il, c’est « le feu et quelquefois la douceur des plus beaux yeux que j'aie jamais vus, qui donnent à sa physionomie une aussi charmante expression qu'il en peut prendre une rude et menaçante à la tête de son armée. » (II, 131.) À Potsdam, au lieu de s'ouvrir à l'expérience et de se prêter aux leçons du plus grand des Allemands, entre Leibnitz et Gœthe, il étale ce qu'il sait. Ce sont les vicux routiers qui consentent à écouter, et c’est La Fayette qui professe l’art militaire près de ses deux voisins de table, le duc d’York et lord Cornwallis; devant le vainqueur de Rosbach, l’auteur de l’Anti-Machiavel, c'est La Fayette qui développe des considérations politiques sur la chute prochaine des royautés, et se fait rappeler par Frédéric au danger de la pendaison pour les agitateurs.
En Amérique, les impressions furent plus vives, et ce qu'ils’assimila fut durable ; mais, la encore, c’est sa propre nature qu'il accentua par Les côtés où les faits et les hommes présentaient avec elle des analogies et des sympathies; ce n’est pas le sujet qui se prêta aux modifications que les objets pouvaient déterminer en lui. Il ne fut pas réellement attentif aux personnes et aux choses, sinon de cette attention provoquée et serve qui n’est que séduction ou répulsion et par laquelle la subjectivité se déclare, il est vrai, à elle-même, en cédant aux attraits ou en s’irritant des oppositions, mais dont il ne résulte pas des idées véritables, c’est-à-dire des représentations objectixes contenant la plénitude des rapports sous lesquels la réalité se manifeste à la pensée.
Washington et ceux qui l’entouraient, Jefferson, Hamilton, Franklin, ont produit sur La Fayette une