Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)
L0 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE
tenu par la présence, à la tête du mouvement américain, d’un groupe d'hommes en qui La Fayette voyait les régulateurs naturels et les bénéficiaires désignés de la Révolution. Généralisant alors comme il avait observé, c’est-à-dire avec la même spontanéité simpliste, il s'assurait que le remède est à côté du mal, et ne doutait pas, dans ses conclusions, que la France dût terminer la crise comme en Amérique. Partageant autant qu'homme de son temps le préjugé de l'incapacité politique du peuple, tout ce qu'il vit lui fit envisager comme le premier des biens la paix sous « l’ordre légal », beaucoup plus que la liberté et l'égalité dans leurs hautes perspectives. Il n’y a pas trace, dans la correspondance de La Fayette ni dans les fragments historiques écrits de sa main, d’une observation sur le seul document qui püt tenir lieu de constitution aux États-Unis pendant les quinze premières années de leur existence. Au moment même où ce premier pacte fédéral fut accepté, il n’est pas même mentionnné. Au moment où il fut remplacé, il n’est pas rappelé’; il semble que La Fayette n’y ait attaché aucune importance et n'y ait pas vu la cause même de l'anarchie américaine.
La guerre dura huit ans, de 1775 à 1783. Il n’y eut d'organisation politique rudimentaire qu'à partir du 8 juillet 1778, sous le régime des Articles de Confédération ratifiés seulement le 1% mars 1781. Il ny avait là encore ni Sénat, ni Chambre des représentants, ni Président, ni Cour suprême, mais seulement les conditions élémentaires d’un fédéralisme soupconneux et impuissant. Dans les huit premiers articles, qui, jusqu’à la ratification, furent les seuls,
1. Cf. Lettre du 1° janvier 1788, Mém., IT, 216.