Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

62 GORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

et se trouve ensuite devancé par le flot’ ne s’applique à lui qu'imparfaitement; ce serait plutôt celle de lPimprudent qui a mis le feu à la maison et se sauve, ou du chauffeur abandonnant la locomotive qu'il ne peut plus diriger.

[n'y avait pas en lui l’individuatité vigoureuse qui, s'emparant des contingences échappées à la force des choses, procure, par son initiative, des déviations au déterminisme des faits, et contraint l’histoire àtourner sur ses gonds. Tel s'était rencontré jadis un homme auquel on a parfois comparé La Fayette, Étienne Marcel, qui, aux états généraux de 1357, dans la grande crise de la royauté, avait tenté une révolution pour donner à la bourgeoisie partage de l'autorité royale : « Héros d’un 93 anticipé, vrai Danton du quatorzième siècle, il avait conçu les vastes desseins auxquels mont pu suffire, ni à force d’audace, ni à force de génie, les plus célèbres révolutionnaires de 1793 : centraliser le pouvoir politique sous la direction des états généraux?. » Tel aussi avait été Danton. « S'il avait considéré les choses de l’intérieur dans leur ensemble avec la même clarté, la même simplicité de vues que celles du dehors, s’il avait discerné ce qu'il fallait faire pour ordonner la révolution dans l’histoire de France, comme il discerna ce qui était nécessaire pour placer la république en Europe, il eût été un très grand homme d’État et il eût, tout simplement, barré le chemin à Bonaparte. Mais les choses de l'intérieur étaient trop complexes et trop bouleversées; Danton était lui-même emporté par le tourbillon, il y surnageait : c'était déjà beaucoup*. »

1. Iliade, XXI. Cf. Gœrnr, Ballade de l’Apprenti sorcier. 2. L. Branc, Histoire de la Révolution, 1, 51. 3. À. SorEL, loco cit., III, 392,