Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

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cain (IV, 196); mais il a soutenu franchement et de tout son cœur la royauté constitutionnelle ([V, 200); et qu'on ne pense pas que l'adoption du vœu national à cet égard lui ait coûté aucun effort : « Ayanteu toute ma vie des inclinations, une réputation et des habitudes républicaines, je n'ai été royalisé que par mes principes sur la volonté nationale prononcée pour un roi, par ma prévoyance des maux qu'entrainerait le renversement total du monarque. » (IV, 408.) « J'avais sacrifié des inclinations républicaines aux circonstances et à la volonté de la nation; je servais la souveraineté dans la constitution qu’elle s'était donnée. »

Le tort politique de La Fayette, qui n'exclut pas une certaine fidélité chevaleresque, est de s’obstiner aux termes d’un contrat répudié par chacun des contractants. La nation l'a rompu, et surtout a de fortes raisons d'en reprocher la violation au roi. Mais La Fayette est plus royaliste que le roi en ce qu’il veut le sauver malgré lui, et il est plus nationaliste que la nation, qu'il veut empêcher de progresser, de substituer volontairement une situation nouvelle à celle qu'un contrat caduc ne lui imposait plus. Le progrès des idées est ce qui a fait défaut à La Fayette; il s’est enfermé dans une conception à laquelle il a beaucoup sacrifié et s’est d'autant plus attaché; mais il n'eut jamais sur ses propres pensées l'autorité qui l’eût fait évoluer vers des conceptions plus appropriées à des circonstances nouvelles, n'étant pas de ces politiques qui ne regardent jamais en arrière, «ne connaissent du passé que l'expérience, et pratiquent pour euxmêmes ce qu'ils demandent aux autres, l’oubli de lirréparable. » (Sorer, ibid.) Ce qui peut l’excuser, c’est qu'il a eu le sentiment, sinon la notion rationnelle, du besoin social d'unité et de fermeté dans le pouvoir