Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 65

exécutif. Jamais jusqu'alors ce besoin n'avait été satisfait que par la monarchie, et il eût fallu un effort intellectuel dont nul en France n'avait été capable avant Condorcet et quelques penseurs isolés en 1791, pour croire la république possible et cependant le gouvernement unifié et puissant. « Je hais, dit La Fayette, la trop grande influence d’un seul ; mais je suis pénétré de la nécessité de remonter le pouvoir exécutif. La seule manière d'éviter la guerre civile est de partir de nos circonstances actuelles, d'agir avec et par l'assemblée et le roi réunis dans la capitale. » (Lettre à Mounier, 23 octobre 1789.) Il se rendit compte enfin de l'impossibilité du rôle qu'il avait tenté, lorsque, en 1821, examinant les Mémoires du marquis de Ferrières qui venaient de paraître, ilse mit à commenter un passage où son ancien collègue à la Constituante relevait l'opposition de la cour à toute l'opinion francaise, même à celle du club monarchique : « Voyez, dit La Fayette, s’il était possible de soutenir la monarchie, quand la cour elle-même se déclarait contre les « impartiaux » où « monarchiens »! N’est-il pas remarquable que les constitutionnels aient pu soutenir la royauté malgré le roi, la reine et leurs amis, pendant trois ans? » (IV, 157.)

IV LES DONNÉES SENSIBLES DANS L'ACTION

Nous savons maintenant sous quelles impressions s’est formé l'esprit de La Fayette, de quelle manière il réagit sous les excitations du milieu et fournit luimême des impulsions. Il nous reste à voir comment sa nature sensible évolue, comment son eœur, qui

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