Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)
66 CO RRESPONDANCE DE LA FAYETTE
chez lui était la pièce maîtresse, manifeste des richesses véritables et se meurtrit aux événements de la Révolution. Chez lui, les tendances, les émotions, les passions, ont une vitalité intense. Les tendances ont beaucoup de force et peu de variété. Le besoin d’activité physique est très vif dès l'enfance; la forte race auvergnate et la vie première dans la Limagne de Brioude ont développé ce besoin et fortifié une robuste constitution organique qui se trouva au supplice pendant les cinq années de prison en Allemagne, mais reprenait toute sa souplesse à la première occasion, par exemple dans l'évasion du 8 novembre 1794 à Olmütz. L’endurance au mal physique est remarquable. En Amérique, général de vingt ans, il étonne ses soldats par sa patience pendant la campagne d'hiver au Canada. À Olmütz, le caporal qu’il désarme lui coupe un doigt avec ses dents; il s’en émeut à peine. En 1803, pendant la réduction d’une fracture de la cuisse, les deux chirurgiens Deschamps et Boyer sont épouvantés du mal qu'ils lui ont fait. Lui, n'a pas bronché. (Cf. lettre XVII, p. 256, n. 1.)
Abondamment pourvu des biens de la fortune, il ne les a jamais recherchés, eta dépensé sans compter au profit des causes politiques qu'il a défendues. Les révolutions d'Amérique et de France, où il n'accepte jamais de rémunération pour les services rendus, l'ont ruiné au point qu'en 1798 il n’a pas de quoi payer sa traversée en Amérique. Son humeur n’en est pas changée. Il admet que les États-Unis payent ses dettes américaines, mais il n'accepte, comme don gratuit, que les outils, les plantes et les bestiaux qui, envoyés d'Amérique, pourront servir à son exploitation agricole de Lagrange, dont il s'éprend passionnément dès que la vie politique lui est fermée.