Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 69

années qui précèdent la Révolution, et mème du 5 mai 1789 à la fédération de 1790, La Fayette est un provocateur de l'opinion contre tous les abus de l’ancien régime. La cocarde tricolore, qu'il compose et baptise, devient le signe deralliementde la bourgeoisie, qui, en le prenant pour son héros, se constitue en parti militant et exclusif. Vivement impressionné lui-même par les circonstances spéciales de cette sympathie, et ressentant fortement l'extraordinaire faveur de l'opinion sous les formes où elle se déclarait, il ne concevra pas de jouissance plus haute que d’en renouveler les occasions. L’assentiment de la bourgeoisie sera son critère dans toute la Révolution. IL ira jusqu'à dire que l'attitude qui lui vaut cette faveur est la ligne de démareation du bien et du mal dans ces grands événements (IV, 359). Il s'étonnera que les choses ne changent pas de cours lorsqu'il a manifesté son mécontentement; par exemple, il ne conçoit pas, le soir du 28 juin 1792, que sa présence n'ait pas terrifié l’Assemblée et arrêté la Révolution. Après le 10 août 92, il ne doute pas que la rébellion militaire qu’il excite à Sedan ne doive s'étendre à toute l’armée et à toute la France. Il attend sérieusement que l'effet se manifeste, et, stupéfait de l'abandon où il reste, il fuit. Il avait posé ses conditions aux ministres girondins; « il ne demandait pas mieux que d’être content d'eux » (III, 307). La Révolution était devenue sa chose, et il entend qu’on n’en dispose pas autrement que selon son goût et celui de son parti. Ce parti, dontil est le centre-et ‘âme, est à ses yeux la fin suprême de la Révolution; Fayette dénoncèrent avec fermeté certaines dilapidations. On parlait de

mettre les dénonciateurs à la Bastille, lorsque, trois jours après, Calonne fut renvoyé. » (II, 191.)