Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 71

se déclare pour l'Amérique : « Songez que jai besoin de justifier les bontés dont ma patrie m'a comblé ; songez que je l'adore, cette patrie, et que l’idée de voir l'Angleterre humiliée, écrasée, me fait tressaillir de joie”. »

Le sentiment de ce qu'il doit à la France le rend très ombrageux sur ce que Îles Américains pensent ou disent de sa patrie. Le 22 août 1778, la flotte du comte d'Estaing ayant été obligée de se réfugier à Boston, le général américain Sullivan adresse à ses soldats un ordre du jour injurieux pour la flotte francaise. La Fayette bondit, déclare dans le conseil de guerre que ce que la France fait est toujours bien, menace de son épée, exige très haut et obtient une rectification de l’ordre du jour. Dans la prison de Wezel, en 1793, on lui propose, pour améliorer son sort, de fournir des plans contre la France. Il répond aux envoyés de Frédérie-Guillaume IT : « Votre roi est bien impertinent de mêler mon nom à une pareille idée, et, quoique son prisonnier, je ne souffrirai pas d’insulte de lui. » (Lettre IV.) À son intérêt pour la France menacée il sacrifiera presque sa haine des jacobins : « Quelque horreur que j'aie pour une criminelle anarchie, dit-il (lettre VI), il y a plus de chances pour la liberté dans la résistance française que dans le succès des puissances étrangères ; » et la durée de ces deux sentiments antagonistes provoque dans cette âme passionnée un cas de conscience qui emplira plusieurs lettres. Après sa fuite du 19 août 1792, il est attentif à ne pas se laisser confondre avec les émigrés; il partage l’aversion du peuple français pour ces politiciens qui cherchent à

1. H. Doxxor, 1bid., t. IV, p. 291.