Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 73

binaisons par lesquelles un nombre de personnes plus où moins grand prend part au gouvernement de l'État : « Quel scandale aux yeux de tous si j'avais avoué que dans l'organisation sociale je ne tiens indispensablement qu'à la garantie de certains droits publics et personnels, et que les variations du pouvoir exécutif, compatibles avec ces droits, ne sont pour moi qu'une combinaison secondaire! » (IV, 361.) Après avoir exposé dans la Déclaration des Droits ce qui paraissait à la fois indispensable et suflisant pour la liberté, il regardait les diverses formes de gouvernement, pourvu que chacun de ces droits fût assuré, comme des combinaisons secondaires (III, 202).

La liberté politique n'avait d'intérêt, selon lui, que pour une classe particulière de personnes, et ne saurait être étendue à ceux qui, n'ayant ni biens à protéger ni grandes affaires privées à conduire dans la paix publique, ni positions sociales élevées à attendre pour leurs enfants et leurs proches, ni compétence ni éducation préalable pour intervenir dans les choses de l'État, ne pourraient qu'y apporter le trouble et l’anarchie. C’est pour la bourgeoisie seulement que la liberté politique est indispensable (Cf. notice sur la lettre LV.) De là cette facilité avec laquelle, après avoir proclamé la souveraineté nationale dans la Déclaration des Droits, La Fayette, et avec lui toute la bourgeoisie, se plut à un régime censitaire écartant de l'État les citoyens « passifs ». De là son horreur de toute politique capable de faire entrer dans l'État ce qu’il appelait la populace. Même après une captivité partagée pendant trois ans, il ne pardonnera pas à Alexandre Lameth d’avoir été quelque temps démocrate, et repoussera brutalement ses avances à sa sortie de prison (lettre du 30 novem-