Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

74 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

bre 1797). Il déteste passionnément la démocratie, et toute son ardeur politique sera employée à en retarder l’avènement. Lorsqu'il se dit républicain, il entend non pas substituer à la monarchie le gouvernement populaire, mais, d’une part, réduire les abus de l’arbitraire royal et des privilèges aristocratiques dans l’ordre civil, et d'autre part empêcher le pouvoir de tomber aux mains du peuple.

Les termes ont changé de sens. L'état d'esprit appelé républicain en 1789, et qui chez La Fayette fut une passion durable, se réduisait à la haine du despotisme, au désir de voir la partie la plus éclairée de la nation participer au gouvernement pour y pratiquer une réforme générale de la société et y introduire le principe du contrôle. Nul, parmi les penseurs qui formèrent la génération de 1789, ne songea à substituer la république à la monarchie. Montesquieu rêvait d’une monarchie à l'anglaise; Voltaire avait pour idéal un bon despote réformateur ; d'Argenson pensait à infuser dans la monarchie ce qu'il y a de bon dans les républiques; Helvétius, Diderot, d'Holbach, tout en déclamant contre les rois, n’entendaient nullement introduire en France la république; Rousseau ne l’admettait que pour de petits pays; Mably voit dans la monarchie le seul préservatif contre la tyrannie des partis; Turgot la considère comme le meilleur instrument des progrès et des réformes ; Raynal n’augure rien de bon de la révolution d'Amérique, et Condorcet, qui le premier, en 1791, se fera le théoricien de la république, se bornait, en 1788, à souhaiter un perfectionnement des assemblées provinciales. Formé par ces impressions et incapable de s’en abstraire et de recevoir l’enseignement suggestif des circonstances nouvelles, com-