Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 75

ment La Fayette n’eût-il pas haï la démocratie qui menacait le régime idéal où lui-même voyait le but de l’histoire et la fin de la Révolution ? Quand ce régime disparut, en 1792, et qu'il vit arriver la démocratie, il s'effara. Après sa captivité, en 1797, et aux préludes de la dictature militaire, il respira (cf. lettre LV), car il trouvait Rà un préservatif contre la démocratie. Quand il vit, après le 18 brumaire, la bourgeoisie déçue, il resta à l'écart. A la Restauration, il pensa un instant retrouver son rêve dans la monarchie selon la charte; mais l'idéal recula encore. En 1830, c'est par crainte de la démocratie qu'il se rallia à Louis-Philippe. Il ne varia donc jamais dans cette antipathie, devenue une passion possédante. La Fayette parait médiocrement doué de ces inclinations supérieures et désintéressées qui ont pour objet idéal le vrai, le beau, le juste et le divin, et qui donnent au monde les savants et les philosophes, les artistes, les passionnés du droit et dela justice et les âmes religieuses. Un seul penchant remplace tous ceux-là dans son cœur, l'amour de la gloire. Ce fut là son principal ressort, auquel tous ses autres penchants se subordonnèrent et servirent d’aliment; ce fut sa « faculté maitresse ». Ne point rester perdu dans la foule des hommes; être de ceux qui accomplissent de grandes choses et deviennent les favoris de l'opinion; employer son énergie à des actions éclatantes pour le bien de l'humanité, mais aussi entrevoir comme récompense la louange et la popularité, ce n’est pas d’une ambition vulgaire. Souhaiter d'être honoré est un stimulant à l’action, surtout si l'honneur qui tient à la dignité personnelle, à l’augmentation de notre valeur morale, nous vaut l’assentiment de la conscience en même temps que celui