Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

78 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

ques principes éternels? » (IV, 67.) Il écrit cela pendant l'exil, en 1798. Mais il n’eut pas toujours lui-même ce genre de courage. Il oublia parfois qu'un homme en place doit faire passer ses obligations avant ce qu'il appelait « sa ligne personnelle », le souci de sa popularité. En mars 1778, à la suite d’une de ses nombreuses vivacités en Amérique, Washington lui fit sentir l'inconvénient d’avoir à servir ainsi deux maîtres dans le domaine de la conscience, et d’être üiraillé entre le point d'honneur etl’honneur. Le 5 octobre 1789, après avoir longtemps essayé de retenir la foule qui veut aller à Versailles, il se laisse entrainer et commande un mouvement qu'il condamne. Le 18 avril 1791, quand la garde nationale empêche le roi de se rendre à Saint-Cloud, La Fayette est pris entre le devoir de sévir contre sa troupe favorite et le désir de garder sa popularité. Ils’en tire en demandant du temps au roi pour lui ouvrir passage, en accusant Danton d’avoir provoqué l’émeute, et la cour d'y mettre de la mauvaise volonté. Au 17 juillet 1791, il semble, en acceptant la complicité de Bailly dans l’affaire du Champ de Mars, avoir fait le sacrifice de sa gloire. Mais à ce moment il a renoncé à être l’idole de tout le monde; mis en présence de la démocratie imminente, comme de l’ennemi à vaincre, il consent à devenir l’ouvrier de la rupture entre les deux classes d’hommes qui jusqu’alors l'avaient également admiré, et il a le sentiment d’un mérite nouveau acquis aux yeux de la bourgeoisie constitutionnelle par cette inutile et déplorable répression. Après le vote imprudent du 8 août 1792, par lequel l'Assemblée législative repoussait la mise en accusation de La Fayette, dix fois jusüfiée par sa conduite factieuse depuis huit mois, il