Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE si

dant les deux premières années de la Révolution se retrouvèrent, diversement groupés dans les partis, les hommes des deux générations précédentes, qui semblèrent s'entendre pour se neutraliser réciproquement et faire place à de nouvelles ambitions en décrétant (16 mai 1791) l’inéligibilité des membres de la Constituante à la Législative. Mirabeau venait de mourir (2 avril), qui fut la plus haute influence dans la première assemblée, et La Fayette se vit pendant quelques mois le maître à peine contesté de l’opinion. Rival du grand orateur dès le début de la Révolution, il avait été, comme lui, séduit par le rôle contradictoire d’excitateur des passions réformatrices et de modérateur des réformes, réclamant à la royauté des concessions par la menace, et à l'Assemblée de la patience par l’adulation, protecteur de l’ancien pouvoir qui s'irritait d’avoir besoin de protection, et favori du nouveau qui prétendait n'avoir dans ses chefs que des instruments.

Dans les assemblées des notables, il avait été des plus ardents contre l’ancien régime. Il dit de luimême et de son ami La Rochefoucauld qu’alors « ils ne perdirent pas une occasion d'encourager au refus des subsides et de réclamer les états généraux; tous deux approuvèrent hautement l'insurrection du Dauphiné, et l’on retrouvait leurs noms dans toutes les oppositions des provinces » (IT, 202). Dès lors, il a la préoccupation de paraître agir même si l’action est impossible : « Si le peuple des campagnes n’a aucun représentant dans cette assemblée, nous devons au moins lui prouver qu'il n’a pas manqué d’amis et de défenseurs » (II, 176). Il écrit à Washington : « Nous parviendrons à mettre dans la tête de tout le monde que le roi n’a pas le droit de taxer la nation, et que

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