Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 83

ville. Le 15, il est nommé général de la garde nationale, et rend ainsi la révolution possible en lui donnant une armée. Mais déjà ilse sent débordé. « Lorsque je n’y suis pas, la tête leur tourne... Mais ce peuple furieux, ivre, ne m’écoutera pas toujours. » (II, 317.) La révolution lui paraît finie, et le jour venu d'une organisation régulière (LV, 120), et il sera en opposition constante avec tous ceux qui voudront davantage; ce seront des intrigants, des anarchistes, des révolutionnaires. Tout lui démontre que les Lameth, les Barnave, les Duport, persistent à vouloir le désordre afin de « sillonner profond » (II, 370). Il leur reproche d’avoir organisé le club des Jacobins (6 nov. 1789) pour combattre sa propre influence auprès des gardes nationales et des municipalités de la France, et d’opposer à chaque corps civil et militaire préposé à l’ordre légal, une société dénonciatrice et désorganisante (II, 371); et il fonde, avec Bailly, la Société de 1789 (12 mai 1790), qui s’appellera Club des Feuillants le 17 mars 1791. Ce qui ne l’empêchera pas, le soir du 21 juin 1791, après la fuite du roi, de venir au club des Jacobins répondre aux accusations de Danton : « Je viens me réunir à cette société parce que c'est dans son sein que tous les bons citoyens doivent se retrouver en ces circonstances où il faut plus que jamais combattre pour la liberté. » Débordé encore au 5 octobre 1789, dans le voyage à Versailles, au 21 avril 1791, lorsque le roi voulut aller à Saint-Cloud, il donna et reprit deux fois sa démission, ce qui lui permit de se sentir toujours en possession de sa pleine popularité. Il reconnaissait implicitement par ces concessions qu'il y a des mouvements populaires dépassant toute prévision et toute précaution. « Je ne puis, dira-t-il, abandonner