Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

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des citoyens qui mettent en moi toute leur confiance; et si je reste, je suis dans la terrible situation de voir le mal sans y remédier. » (IT, 330.) Telle sera désormais sa situation dans la Révolution après la fête de la Fédération du 14 juillet 1790, qui fut son dernier triomphe personnel, jusqu'au 19 août 1792, où, sur la frontière, devant l'invasion, il sera au plus haut poste de confiance et où son devoir était de rester, général soumis au pouvoir civil, et non chef de la réaction politique. Il va done être en lutte constante contre le mouvement qu'il a contribué à provoquer. Ses premières déceptions vont transformer son ambition, qui ne sera plus l'enthousiasme de la gloire, mais l’âpre contestation pour la puissance qui s'enfuit, l'intrigue pour faire et défaire les ministres, les rivalités électorales, les provocations pleines de morgue à l'égard de la démocratie, et les répressions sanglantes, les lettres menacantes et parfois insolentes du général d'armée aux ministres civils, les démarches à la façon de Cromwell ou de Monk, et enfin les tentatives d’abuser de la force militaire contre les représentants de la nation, rêve pernicieux qui hantera tant de généraux pendant dix ans. Durant les deux années d'août 1790 à août 1792, dans tous les soulèvements de Popinion contre la politique de résistance à la Révolution, nous trouvons La Fayette parmi ceux qui provoquent et répriment, et souvent les représailles de la démocratie sont des réponses aux violences de celui qui en avait d’abord été l’idole.

L’insurrection militaire de Nancy est due à l’indignation des troupes contre les détournements de la solde par des officiers dont La Fayette flétrira plus tard les prévarications (lettre VI). Ilapprouve cependant la répression brutale de son cousin Bouillé, et