Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 85

refuse d'entendre les délégués des officiers de la garde nationale de Nancy qui veulent témoigner en faveur des troupes insurgées. Après la fuite de Varennes, c’est lui qui, pour écarter les menaces de la démocratie et rendre le retour de la monarchie possible en atténuant ses responsabilités, trouve la formule trop ingénieuse de « l'enlèvement du roi et de sa famille par les ennemis de la patrie ». À ce moment, La Fayette a des velléités républicaines. Nous l'avons vu, le 21 juin, faire à la tribune des Jacobins l'éloge de la société ; chez son ami La Rochefoucauld, Dupont de Nemours propose la république; lui-même écrit : « Je ne disconviens pas que, lorsque je crus le roi en armes contre la nation, je pensai sans peine que l'organisation du pouvoir exécutif pourrait revenir à l'ordre du jour ; et lorsqu'il fut revenu à Paris, nous examinâmes, mes amis et moi, la question de son rétablissement. » (III, 255.) Il tenait alors entre ses mains la république ou la monarchie. La peur, passion mauvaise conseillère, l’emporta.

Le 8 juillet 1791, Condorcet, représentant la tradition des philosophes du sièele qui allait finir et la plus haute autorité morale du moment, dans un discours au Cercle social, se déclarait républicain. C’était un événement de grande importance et d'énorme retentissement. Les constitutionnels, effrayés, comme leur chef, par la demande de déchéance, se replient vers la droite monarchique; le parti Lameth, qui jusqu'alors était Le plus avancé dans l’Assemblée, se replie à son tour vers le centre, et tous, constituant ce que le journaliste Carra nomme « les rois de la quatrième race! », rétablissent, le 15 juillet 1791,

1. Cuaravay, cbid., p. 573.