Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

86 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

la royauté avec ses prérogatives, sa garde constitutionnelle et sa liste civile. « Alors, dit Rivarol!, la grande majorité de la nation murmure; elle se plaint qu'on l'ait poussée depuis plus de deux ans à la démocratie par tant de harangues, d'arguments et de crimes, pour tomber enfin dans une espèce de monarchie. » La Fayette déclare que Louis XVI est « le meilleur prince de sa famille, malgré ses torts récents, et, à tout prendre, le meilleur de l'Europe ». De là, chez les démocrates, le mouvement de colère qui aboutit à la pétition du 17 juillet 1791 au Champ de Mars. Or, les pétitionnaires n'avaient violé aucune loi et n’offraient pas le moindre prétexte à la répression légale. Les deux hommes suspects trouvés, au petit jour, sous l'autel de la Fédération, avaient été mis à mort non par les pétitionnaires, mais par les habitants du Gros-Caillou. Mais l'Assemblée et le maire de Paris crurent ou feignirent de croire que le meurtre, antérieur à la réunion, était l’œuvre des républicains?. De là la loi martiale proclamée avant enquête, le drapeau rouge déployé, mais invisible, et la fusillade à huit heures du soir, alors que la pétition était signée depuis longtemps et qu’il ne restait plus au Champ de Mars qu’une foule inoffensive qui chantait et dansait. « Paris, dit La Fayette (III, 258), nous regarda comme des sauveurs, et les remerciements de l’Assemblée furent unanimes. » En réalité, cette première violence était la fin de sa popularité, l’engageait dans la série de fautes graves qui vont suivre, et tournait sa passion contrariée vers le rôle d'ambitieux évincé et de conspirateur militaire.

Le 8 octobre 1791, au début de l'Assemblée législa-

1. Vie de La Fayette. 2. AULARD, 1bid., p. 152.