Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

88 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

qui leur est tout dévoué, remplace Duportail au ministère de la guerre (6 déc. 91) et fait envoyer La Fayette à la tête de l’armée du Centre, avec Luckner à l'Est et Rochambeau au Nord (14 déc. 91). En février 1792, les trois généraux, après une courte apparition à la frontière, sont à Paris sous prétexte d'élaborer un plan de campagne, en réalité pour intriguer contre les deux ministres Bertrand de Molleville et Delessart, qui ont la confiance de la cour, et en faveur de leur ami Narbonne, qui est menacé dans son poste. Le 4 mars, ils lui écrivent chacun une lettre destinée à servir de manifeste, pour déclarer que sa présence au ministère leur paraît indispensable. Le 9, le roi renvoie Narbonne, et le 20 La Fayette revient, à regret, retrouver ses troupes à Metz. L’Autriche est d’ailleurs rassurée sur ses intentions. Elle sait qu’il ne s’éloignera pas de la frontière, afin de rester à portée d'enlever le roi et sa famille avec un corps d’armée et de rester maitre de ces précieux otages!. Enfin Louis XVI, suivant la politique du remède demandé à l'excès des maux, appelle un ministère girondin avec de Grave, remplacé le 9 mai par Servan à la guerre, Clavière aux finances, Roland à l’intérieur, et Dumouriez aux affaires étrangères (24 mars).

La Fayette, dont désormais l’épée est tournée vers Paris, intervient alors; il pose ses conditions en chef de parti et en maître d’une force armée avec laquelle il faudra compter. « IL était fort difficile à un général constitutionnel, dit-il (TITI, 367), de traiter avec le ministère nommé sous l'influence de cette faction; il crut devoir adresser à Dumouriez, en son nom et pour ses collègues, une espèce de traité qu’il proposait au

1. VivexoT, Quellen zur Politik der Deutschen Kaïserpolitik Oesterreichs, 1873, t. ler, p. 229.