Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

ÉTUDE PSYCHOLOGIQUE 89

gouvernement, et par lequel celui-ci devait s'engager, par tous les moyens qui dépendraient de lui, à faire respecter les lois, la dignité royale, les autorités constituées, la liberté religieuse, etc. À ces conditions, La Fayette promettait de marcher avec le minisière girondin. » « Il n’a donc tenu, ajoute-t-il (IT, 429), qu'au parti girondin de ne pas se brouiller avec La Fayette! » Sa pensée intime à ce moment est dans une lettre à sa femme, où il indique son horreur de la république et sa résolution de « servir quiconque empéchera la constitution de devenir aristocratique ou républicaine » (IT, 430). Enfin, le 1% mai 1792, il adresse à ses troupes un discours qu'ailleurs et plus tard on eût appelé un pronunciamento : « Soldats de la constitution, dit-il (III, 312), ne craignez pas qu’elle cesse de veiller sur vous quand vous combattez pour elle; ne craignez pas, quand vous allez défendre la patrie, que les dissensions intestines troublent vos foyers. J'ai servi le peuple sans le flatter; et, dans ma constante lutte contre la licence et l'anarchie, j'ai mérité l'honorable haine de tous les ambitieux, de toutes les factions. Tous les partis seront dissipés, et la constitution dominera seule, et sur les rebelles qui l’attaquent à force ouverte et sur les traitres qui, en la dénaturant par leurs viles passions, semblent avoir juré de la faire craindre au dedans et méconnaître au dehors. » Ce manifeste, avoue M. Bardoux (ibid., p. 366), s'adressait plutôt à des gardes nationales qu’à des troupes en campagne. Servan, le nouveau ministre de la guerre girondin, qui n’a qu'une médiocre confiance en La Fayette, met des formes délicates dans la lecon qu'il lui donne le 10 mai : « L'homme qui eut le courage de quitter sa famille et sa patrie pour aller combattre en Amérique